Le djihadisme : Déconstruire les justifications islamiques de la violence
Introduction : Le débat sur l’Islam et le djihadisme
Depuis plusieurs décennies, le débat sur la relation entre l’islam et le djihadisme s’intensifie, alimenté par les attaques terroristes et les conflits qui secouent plusieurs régions du monde. Une partie de ce débat tourne autour de l’idée que les djihadistes ne représentent pas l’islam véritable, mais sont plutôt des extrémistes qui déforment les enseignements de la religion. Beaucoup de responsables politiques et de religieux insistent sur le fait que “l’islam est une religion de paix” et que les actions des djihadistes sont contraires aux valeurs islamiques.
Cependant, il est essentiel de noter que les djihadistes eux-mêmes justifient leurs actes par des références aux textes islamiques, notamment le Coran, les hadiths, et la sîra (biographie) du prophète Mahomet. Cet article a pour but de déconstruire l’argument selon lequel les djihadistes ne seraient pas des musulmans en explorant les fondements scripturaires et historiques du djihad guerrier dans la tradition islamique.
Partie 1: C’est quoi le djihâd?
Le concept de djihad, qui signifie littéralement “effort” ou “lutte” en arabe, revêt des interprétations variées selon les époques et les contextes. Traditionnellement, le djihad est souvent traduit par “guerre sainte” dans les langues européennes, bien que ce terme ne capture pas toute la portée de ce concept complexe dans la théologie islamique.
La racine du mot “djihad” (ǧ – h – d) indique un effort ou une lutte. Dans le Coran, le djihad est utilisé dans l’expression “al-ǧihād bi amwalikum wa anfusikum,” qui signifie “lutter avec vos biens et vos âmes.” De là, le djihad peut être compris comme un effort dans le chemin de Dieu, soit dans un sens spirituel ou dans le sens d’un combat plus littéral.
1 – Types de Djihad
Les penseurs classiques de l’islam ont développé diverses classifications du concept de djihad, en s’appuyant sur les textes coraniques et les enseignements du Prophète Mahomet. Voici les principales catégories de djihad, telles qu’elles sont généralement présentées par les penseurs musulmans classiques, notamment Averroès qui distingue quatre types de djihad en islam (1-4):
1. Djihad par le cœur : Lutte spirituelle intérieure pour améliorer son âme et la société.
Djihad par le cœur (ou djihad intérieur) • Ce type de djihad est souvent considéré comme le plus noble et le plus fondamental. Il fait référence à l’effort de purification intérieure que chaque croyant doit entreprendre pour lutter contre les tentations, les mauvaises pensées et les désirs égoïstes.
• Il s’agit d’une lutte personnelle et spirituelle, visant à améliorer son caractère, sa foi et sa relation avec Dieu.
• Ce concept est central dans le soufisme, où le djihad par le cœur est perçu comme une quête de l’élévation spirituelle et de l’amour divin.
2. Djihad par la langue : Défendre l’islam par la parole et l’enseignement.
Djihad par la langue • Ce djihad consiste à défendre l’islam et à propager la vérité par la parole. Cela inclut l’enseignement, la prédication, et la discussion avec les autres pour partager les valeurs de l’islam.
• Il peut également se manifester par le conseil sincère et bienveillant, ainsi que par le fait de parler contre l’injustice, le mensonge et l’oppression.
• Ce type de djihad valorise l’argumentation pacifique, la persuasion et la communication dans le respect des autres.
3. Djihad par la main : Lutte par l’action pour promouvoir le bien et éliminer le mal.
Djihad par la main (ou djihad de l’action) • Ce djihad implique l’action concrète pour le bien, que ce soit en aidant les pauvres, en bâtissant des infrastructures utiles à la communauté musulmane ou en participant à des projets collectifs bénéfiques.
• Cela peut inclure la charité, le bénévolat, ou la prise de position contre les oppressions au niveau individuel et communautaire.
• L’objectif de ce type de djihad est de promouvoir le bien et de lutter contre le mal tels que vus par l’islam, par des actions positives et constructives.
4. Djihad par l’épée : Combat physique pour défendre la communauté musulmane.
Djihad par l’épée (ou djihad militaire) • Le djihad par l’épée représente la lutte armée, qui est souvent le plus controversé et mal compris en dehors des cercles islamiques.
• Traditionnellement, ce type de djihad est perçu comme un combat physique pour défendre l’islam et les communautés musulmanes en cas d’agression ou d’oppression.
• Cependant, selon les interprétations classiques, le djihad militaire est strictement réglementé et doit être engagé uniquement dans des circonstances précises et légitimes. Les penseurs classiques soulignent que ce type de djihad ne doit pas être utilisé pour des raisons expansionnistes ou de conquête, mais pour la défense des croyants et de leurs terres.
5. Djihad Culturel : compatibilité de l’islam et les traditions autochtones.
Dans la jurisprudence islamique, les pratiques culturelles peuvent être adoptées tant qu’elles respectent les principes de la Charia et ne contredisent pas ses enseignements. En cas de divergence, la tradition doit être réévaluée ou rejetée pour être en conformité avec les préceptes islamiques. Abû Hurayra, a rapporté que le Prophète a dit : « Ô gens ! Allah vous a débarrassé de l’orgueil et de la fierté des ancêtres de l’époque préislamique. Il existe deux types d’hommes : un croyant pieux et un pervers voué au malheur. Vous êtes tous des fils d’Adam et Adam a été créé de poussière. Que ceux qui se vantent d’ancêtres qui ne sont rien d’autre que le combustible de la Géhenne cessent de le faire ; sinon, ils seront plus méprisables auprès d’Allah que le scarabée qui pousse les excréments avec son nez. » (Abû Dâwûd).
Par ailleurs, cette approche se base sur un principe jurisprudentiel bien connu : al-ʿurf muhakkam (la coutume a force de loi), signifiant que ce qui est habituellement accepté parmi les gens peut être pris en compte en droit islamique, à condition qu’il ne soit pas en désaccord avec les textes sacrés. Ce principe est renforcé par le verset coranique cité : « Accepte ce qu’on t’offre de raisonnable, commande ce qui est convenable et éloigne-toi des ignorants. » (Coran 7/199).
Ce positionnement illustre une volonté d’universaliser les valeurs islamiques et d’effacer les pratiques culturelles perçues comme incompatibles. En imposant la primauté de la Charia, l’Islam se définit comme la seule norme valable de références, reléguant les traditions locales à un statut inférieur, qualifié d’« ignorance ». En rejetant activement les coutumes différentes et en les associant à l’égarement moral, l’Islam promeut une identité religieuse uniforme qui s’oppose aux influences perçues comme « païennes », consolidant ainsi son autorité comme voie universelle et exclusive.
Cet assaut des normes islamiques contre les traditions et cultures autochtone est un impérialisme culturel qui nie l’identité africaine au profit de l’Islam. En imposant la Charia et en rejetant les coutumes locales, cette démarche marginalise les pratiques ancestrales, considérées comme inférieures. Ce phénomène crée une tension entre l’affirmation de l’identité culturelle africaine et l’aspiration à une identité religieuse islamique homogène. Loin de favoriser une coexistence harmonieuse, cet impérialisme culturel renforce le sentiment d’aliénation chez ceux qui adoptant l’islam dénigrent par la suite leurs valeurs, traditions et ancêtres.
Interprétations variées au fil du temps
Les diverses interprétations du djihad ont suscité des débats théologiques et ont évolué avec le temps. Le djihad par l’épée, par exemple, a été employé historiquement pour justifier des batailles contre les “infidèles” et, parfois, d’autres groupes musulmans considérés comme opposants.
• Les penseurs classiques tels qu’Averroès (Ibn Rushd) et d’autres savants musulmans, comme al-Ghazali, ont chacun contribué à la définition et à la classification de ces types de djihad.
• Au fil des siècles, des interprétations ont émergé pour insister sur l’importance de l’aspect intérieur (djihad par le cœur) en tant que forme primordiale de djihad. Cependant, dans certaines périodes de l’histoire islamique, notamment à l’époque des croisades, le djihad par l’épée a pris une signification plus militaire et politique.
• D’autres penseurs, comme Ali ibn Tahir al-Sulami, ont encouragé les musulmans à entreprendre un djihad défensif face aux croisades. Plus tard, des leaders comme Saladin ont promu le djihad comme une mobilisation collective pour protéger les territoires islamiques.
Dans l’ensemble, la notion de djihad selon les penseurs classiques représente un éventail d’efforts personnels et collectifs pour promouvoir le bien tel que vu par l’islam, défendre la foi et lutter contre les oppressions telles que vues par l’islam, que ce soit par la parole, les actions, la spiritualité ou, en dernier recours, les armes.
2 – Le djihad dans le Coran et les hadiths
Dans le Coran, certains versets appellent au combat, particulièrement contre les polythéistes de la péninsule arabique, les Quraychites. Ces appels sont interprétés comme des réponses à des contextes historiques spécifiques, tels que les maltraitances subies par les premiers musulmans. Des versets comme Sourate 8, verset 39 (“Combattez-les jusqu’à ce qu’il ne subsiste plus d’association, et que la religion soit entièrement à Allah”) illustrent la justification des combats contre les oppresseurs de l’époque.
Les hadiths (paroles et actions de Mahomet) renforcent l’idée d’un djihad guerrier, univoque, qui devient un pilier important pour certains courants islamiques. Par exemple, le traité de djihad d’Ali ibn Tahir al-Sulami au XIIe siècle justifie le djihad en réponse aux Croisades chrétiennes.
3 – Le djihad et la propagation de l’Islam
Les batailles menées par Mahomet et les califes qui lui succédèrent sont souvent associées au terme “ghazwa” (expédition militaire), tandis que le terme “djihad” s’est généralisé au VIIIe siècle pour désigner le devoir de défendre la communauté musulmane. Avec des figures comme Saladin, le djihad prit un sens plus militant, lié à des expéditions militaires contre les Croisés.
Les conditions de soumission des non-musulmans dans les territoires conquis, telles que le pacte de ‘Umar, furent également influencées par le djihad. Les populations vaincues se voyaient offrir un statut de “dhimmi” (protégé) contre le paiement d’une taxe. Ces pratiques consolidèrent l’idée que le djihad pouvait servir à la fois la défense et l’expansion de l’État islamique.
4 – Une notion en transformation
Le djihad a évolué en fonction des époques et des écoles de pensée. Dans la littérature islamique, certaines œuvres, telles que la Sîra (biographie de Mahomet), ont cristallisé le concept de djihad en l’orientant vers une fonction guerrière. Ce glissement de la notion d’endurance personnelle à une institution militaire est perceptible dans l’œuvre de rédacteurs tels qu’Ibn Ishâq et Ibn Hishâm, qui ont rédigé des textes retraçant les batailles de Mahomet, renforçant ainsi l’association entre djihad et guerre.
Le concept de djihad dans l’islam est complexe et a évolué au fil du temps, recouvrant deux significations principales : le djihad majeur et le djihad mineur.
1. Djihad majeur (al-jihad al-akbar) : Souvent interprété dans le soufisme et dans certains courants de la pensée islamique comme la lutte intérieure et spirituelle, il consiste en l’effort pour améliorer sa morale et se rapprocher de Dieu. Ce djihad concerne la maîtrise de soi, la lutte contre les passions et les tentations. Un hadith attribué au prophète Mahomet exprime cette idée, bien qu’il ne soit pas présent dans les recueils canoniques : après une bataille, il aurait dit, « Nous revenons du plus petit djihad au plus grand djihad », faisant référence à la lutte intérieure comme étant la plus importante.
2. Djihad mineur (al-jihad al-asghar) : Celui-ci est communément associé au combat armé pour défendre l’islam. Historiquement, les juristes musulmans ont développé des règles précises autour de ce concept dans le fiqh (droit islamique), le définissant comme un devoir collectif sous certaines conditions, mais en excluant de manière explicite les civils, les enfants, les femmes, et les personnes ne participant pas aux hostilités. Le djihad mineur a souvent été invoqué dans les contextes de défense militaire contre des agressions extérieures ou des situations où l’intégrité de la communauté musulmane était perçue comme menacée.
L’évolution historique du djihad montre des interprétations variées et adaptées aux contextes politiques et culturels des différentes périodes. Michael Bonner, dans son ouvrage, mentionne que le concept de djihad a pris des significations différentes selon les époques et les régions. Il note également que, bien qu’on distingue couramment le djihad spirituel et le djihad armé, les textes islamiques soulignent davantage l’aspect militaire, notamment dans les premiers traités juridiques sous les Omeyyades et les Abbassides.
Enfin, la notion de djihad mineur a parfois été utilisée pour justifier des conflits intra-musulmans, notamment lors de tensions sectaires (par exemple, entre sunnites et chiites) ou de guerres civiles dans des pays à majorité musulmane. Quant au terrorisme contemporain, il est fermement condamné par de nombreux érudits islamiques, qui rappellent l’interdiction de tuer des innocents et de provoquer le chaos (fitna) selon la loi islamique.
Partie 2 : “Les djihadistes ne sont pas de vrais musulmans”
1 – Déconstruire l’argument
Les déclarations politiques et religieuses :
Les leaders musulmans et les figures politiques se prononcent souvent pour dissocier l’islam du djihadisme. Ils citent le Coran en déclarant que le véritable islam prône la paix et l’harmonie. Pourtant, la réalité historique et textuelle est plus complexe. En effet, la diversité des interprétations de l’islam est vaste, et si certains versets promeuvent des idéaux de paix, d’autres prônent explicitement le recours à la violence dans le cadre du djihad.
La diversité des interprétations islamiques :
L’islam est une religion qui, au fil des siècles, a vu naître de nombreuses écoles de pensée et courants d’interprétation. Les écoles juridiques sunnites (Malikite, Hanbalite, Shafi’ite, et Hanafite) et les courants chiites ont tous des perspectives distinctes sur des aspects variés de la religion, y compris le djihad. Ces interprétations incluent souvent des justifications pour le djihad armé en fonction des contextes historiques et politiques.
Par exemple, Ibn Taymiyya, un érudit hanbalite du XIVe siècle, a légitimé l’usage de la violence contre les non-musulmans et les gouvernants musulmans qui ne respectaient pas la charia. Dans ses écrits, il interprète le djihad offensif comme un moyen de défendre l’islam et d’étendre sa juridiction.
Évidence historique et contemporaine :
Les premiers siècles de l’islam sont marqués par des guerres d’expansion qui ont permis à l’islam de s’étendre de la péninsule arabique jusqu’à des régions comme l’Afrique du Nord, l’Espagne, et l’Asie centrale. Mahomet lui-même a mené et autorisé des batailles, comme celles de Badr, Uhud, et Khaybar, qui sont mentionnées dans les sources islamiques. Ces événements sont souvent perçus par les musulmans comme des réponses aux persécutions subies par les premiers musulmans, mais aussi comme des actions offensives visant à étendre la domination islamique.
Dans le monde contemporain, des groupes comme, Etat Islamique dans le Grand Sahara (EIGS), Daech, Al-Qaïda, Katibat Macina et Boko Haram se réclament de l’islam et justifient leurs actions violentes en se référant aux textes sacrés. Leur objectif, affirment-ils, est de rétablir la gloire de l’islam et d’implanter la charia. Ces groupes considèrent leur version du djihad comme une expression légitime de la foi islamique, interprétation qu’ils tirent directement des sources islamiques.
2 – Le concept de l’abrogation (Naskh)
Le concept de l’abrogation (naskh) dans le Coran est un sujet de débat parmi les théologiens et les critiques de l’islam. L’abrogation fait référence à des versets coraniques ultérieurs qui annulent ou remplacent des versets antérieurs. Ce phénomène soulève des questions importantes, notamment sur la cohérence et l’infaillibilité du message divin. Concernant le djihâd ce concept crée la controverse en mettant en exergue des interprétations différentes.
Le verset de l’épée (Sourate 9:5) et les versets de la tolérance
Le verset de l’épée (Sourate At-Tawba, 9:5) est souvent cité comme abrogeant des versets antérieurs prônant la tolérance religieuse :
“Puis, quand les mois sacrés expirent, tuez les polythéistes où que vous les trouviez ; capturez-les, assiégez-les, et guettez-les dans toute embuscade. Mais s’ils se repentent, accomplissent la prière et acquittent l’aumône, alors laissez-leur la voie libre. Allah est certes Pardonneur et Miséricordieux.”
Ce verset semble contredire des passages antérieurs, tels que :
• Sourate Al-Baqara (2:256) : “Pas de contrainte en religion. Car le bon chemin s’est distingué de l’égarement.”
• Sourate Al-Kafirun (109:6) : “Vous avez votre religion et j’ai ma religion.”
Les défenseurs de l’abrogation affirment que ces versets de tolérance ont été annulés par le verset de l’épée, qui appelle à une position plus rigide vis-à-vis des polythéistes. Ce changement de ton, en particulier dans les dernières révélations, remet en question la nature universelle et intemporelle du message divin, car il semble refléter des ajustements aux réalités sociopolitiques de l’époque.
3 – Le djihad guerrier dans le Coran
Le Coran, texte central de l’islam, contient plusieurs versets qui abordent la question du djihad. Le terme “djihad” signifie littéralement “effort” ou “lutte” et peut inclure des formes pacifiques de lutte personnelle. Cependant, de nombreux versets se réfèrent spécifiquement à la lutte armée contre les non-musulmans.
Sourate 2:190-193 :
Ces versets sont souvent interprétés comme un appel à la guerre défensive, mais ils contiennent aussi des éléments qui ont été utilisés pour justifier des actions offensives.
“Combattez dans le sentier d’Allah ceux qui vous combattent, et ne transgressez pas. Car Allah n’aime pas les transgresseurs. Et tuez-les où que vous les rencontriez; et chassez-les d’où ils vous ont chassés : l’association est plus grave que le meurtre. Mais ne les combattez pas près de la Mosquée sacrée avant qu’ils ne vous y aient combattus. S’ils vous y combattent, tuez-les donc. Telle est la rétribution des mécréants.” (Coran, 2:190-191)
Ce verset montre que, bien que la violence soit prescrite en réponse à une agression, elle peut également être utilisée comme une forme de justice divine contre ceux qui commettent des actes de polythéisme (l’association).
Sourate 9:5 :
Le fameux “verset du sabre” est l’un des versets les plus cités pour justifier le djihad offensif.
“Après que les mois sacrés expirent, tuez les associateurs où que vous les trouviez; capturez-les, assiégez-les et guettez-les dans toute embuscade. Si ensuite ils se repentent, accomplissent la prière et acquittent la Zakat, alors laissez-leur la voie libre, car Allah est Pardonneur et Miséricordieux.” (Coran, 9:5)
Ce verset ordonne de combattre les associateurs (polythéistes) sans provocation particulière. Certains érudits islamiques soutiennent que ce verset abroge les versets antérieurs qui prônent la tolérance, rendant le djihad armé contre les non-musulmans une obligation religieuse dans certaines interprétations.
Sourate 8:39 :
Un autre verset clé qui promeut la lutte pour que “la religion soit à Allah” :
“Et combattez-les jusqu’à ce qu’il ne subsiste plus d’association et que la religion soit entièrement à Allah. Puis, s’ils cessent, alors plus d’hostilités, sauf contre les injustes.” (Coran, 8:39)
Ici, le Coran appelle à une guerre continue jusqu’à ce que l’idolâtrie disparaisse, interprété par certains comme un commandement pour étendre l’influence de l’islam par la force.
4 – Les hadiths et le djihad guerrier
Les hadiths, ou traditions rapportant les paroles et actions de Mahomet, renforcent l’idée du djihad guerrier. Ces récits sont cruciaux dans l’interprétation de la charia et sont utilisés par les djihadistes pour justifier la violence.
Exemples de Hadiths :
• Sahih al-Bukhari (52:41) – “Le Prophète a dit : ‘Allah garantit à celui qui part dans Sa cause de ne revenir que récompensé ou avec la rétribution (le Paradis), s’il est tué ou revient sain et sauf.’”
Ce hadith souligne la promesse du paradis pour ceux qui participent au djihad, incitant ainsi les croyants à risquer leur vie dans les guerres pour l’islam.
• Sunan Abu Dawood (2506) – “Le Prophète a dit : ‘La fin du monde ne viendra pas jusqu’à ce que les musulmans combattent les Juifs et que les musulmans les tuent.’”
Ce hadith est souvent cité par les djihadistes pour justifier la violence envers des groupes spécifiques, et il est utilisé pour construire une perspective eschatologique où le combat est perçu comme un devoir religieux.
5 – La Sîra (Biographie de Mahomet) et le djihad guerrier
La sîra, ou biographie de Mahomet, contient de nombreux récits de batailles, de raids et de conflits militaires menés ou ordonnés par le Prophète.
Exemples de batailles :
• La Bataille de Badr (624) : Considérée comme la première bataille de l’islam, elle est racontée comme un affrontement pour protéger la communauté musulmane naissante contre une caravane mecquoise. Les musulmans voient cette bataille comme une intervention divine en leur faveur.
• Le Siège de Khaybar (628) : Mahomet a mené cette expédition contre une tribu juive pour saisir leurs biens. Ce raid est perçu comme une bataille justifiée pour punir les Juifs qui, selon les sources islamiques, avaient trahi des accords antérieurs.
Ces exemples montrent que la violence n’était pas seulement défensive, mais pouvait aussi avoir des motivations économiques et politiques.
6 – Les écoles juridiques et leurs interprétations du djihad guerrier
Les quatre principales écoles juridiques sunnites – Malékite, Hanbalite, Shafi’ite, et Hanafite – ont chacune leurs interprétations spécifiques du djihad, influencées par les contextes historiques et les besoins des sociétés musulmanes à travers les siècles. Bien que ces écoles diffèrent dans leurs perspectives sur certains aspects, elles reconnaissent toutes le djihad armé comme un élément légitime de la foi islamique.
Malékisme
L’école malékite, largement répandue en Afrique du Nord et en Afrique subsaharienne, interprète le djihad comme une obligation collective, connue sous le nom de fard kifaya. Selon cette interprétation, tant qu’une partie de la communauté musulmane s’engage dans le djihad, la responsabilité est levée pour les autres. Toutefois, si un territoire musulman est attaqué, le djihad devient une obligation individuelle (fard ayn) pour défendre la communauté.
Hanbalisme
Le hanbalisme, la plus stricte des écoles sunnites, est celle à laquelle se réfèrent fréquemment les groupes djihadistes contemporains. Elle considère le djihad offensif comme une obligation importante pour propager l’islam. Le célèbre érudit hanbalite Ibn Taymiyya, que j’ai mentionné plus tôt, a joué un rôle déterminant en réaffirmant cette approche militante. Pour Ibn Taymiyya, les gouvernements qui ne respectaient pas la charia pouvaient être considérés comme des ennemis de l’islam, et les musulmans étaient donc autorisés, voire obligés, de les combattre.
Shafi’isme
L’école shafi’ite, influente en Asie du Sud-Est et en Afrique de l’Est, voit également le djihad comme un devoir collectif, mais elle est plus détaillée dans son approche. Par exemple, elle impose des règles strictes sur le traitement des prisonniers de guerre, mais justifie le combat offensif dans le but de défendre l’islam et de le propager. Selon les enseignements shafi’ites, les dirigeants musulmans doivent mener des campagnes militaires contre les non-musulmans qui refusent de se soumettre à l’autorité islamique.
Hanafisme
L’école hanafite, prédominante dans les régions du Moyen-Orient, d’Asie centrale, et d’Inde, met également l’accent sur le djihad en tant que devoir collectif. Cependant, elle est plus flexible dans son approche et autorise les traités de paix prolongés avec les non-musulmans. Le djihad offensif est encouragé pour étendre l’influence de l’islam, mais il doit être mené par un dirigeant légitime. Ainsi, les érudits hanafites ont parfois soutenu les califats qui pratiquaient le djihad pour des raisons géopolitiques.
Conclusion sur les écoles juridiques
L’un des éléments essentiels qui unit ces écoles est la reconnaissance du djihad offensif, même si elles diffèrent dans leurs modalités et interprétations spécifiques. Cette acceptation du djihad armé a permis aux dirigeants islamiques au fil des siècles d’utiliser ces préceptes pour justifier des campagnes de conquêtes et d’expansion territoriale.
7 – Le djihadisme moderne et les justifications scripturaires
Les mouvements djihadistes modernes puisent dans cette riche tradition islamique pour justifier leurs actes de violence. Les leaders de ces mouvements, comme ceux de Daech et Al-Qaïda, utilisent des versets coraniques et des hadiths spécifiques pour donner une légitimité religieuse à leurs actions.
La fatwa de Ben Laden (1996)
Dans sa déclaration de 1996 intitulée “Déclaration de guerre contre les Américains occupant la terre des deux saintes mosquées”, Oussama Ben Laden cite le Coran et les hadiths pour justifier la violence contre les États-Unis. Il invoque notamment Sourate 9:14, qui appelle les musulmans à combattre les ennemis de Dieu :
“Combattez-les ! Allah les punira par vos mains, les couvrira d’ignominie, vous donnera la victoire sur eux, et guérira les poitrines d’un peuple croyant.” (Coran, 9:14)
Pour Ben Laden, ce verset justifie la lutte armée contre les “mécréants” qui, selon lui, oppriment les musulmans dans le monde. Il associe la notion de djihad à un devoir religieux pour tous les musulmans, appelant ainsi à une guerre totale contre l’Occident.
Les justifications de Daech
Le groupe Daech, ou l’État islamique, a également publié des documents et des vidéos expliquant leur interprétation du djihad. Dans son magazine en ligne Dabiq, Daech cite fréquemment des versets coraniques et des hadiths pour inciter à la violence. Ils interprètent le verset du sabre (9:5) comme un commandement éternel de tuer les polythéistes et d’imposer l’islam par la force.
Daech justifie également l’esclavage des femmes et enfants non-musulmans en se basant sur des interprétations de Sourate 4:24, qui, selon eux, légitiment la capture de “ce que votre main droite possède” après les batailles.
8 – Djihad et conquête : Une tradition historique ancrée
Les djihadistes modernes ne sont pas les premiers à s’inspirer des textes islamiques pour justifier l’expansion par la violence. Les premiers califats ont mené des guerres de conquêtes qui ont étendu l’islam sur une vaste partie du monde.
Les conquêtes du califat Rachidun
Après la mort de Mahomet, les premiers califes ont entrepris des campagnes militaires massives. Sous le règne de Abou Bakr, le premier calife, les tribus arabes qui refusaient de reconnaître l’autorité de l’islam furent combattues lors des guerres de Ridda (ou guerres d’apostasie). Abou Bakr justifiait ces guerres en se référant au Coran et en affirmant qu’elles étaient nécessaires pour maintenir l’unité de l’islam.
Les conquêtes Omeyyades et Abbassides
Les dynasties Omeyyade et Abbasside ont également poursuivi des guerres de conquête, justifiées par la notion de djihad offensif. En moins d’un siècle, l’islam s’était étendu de la péninsule arabique jusqu’à l’Espagne à l’ouest et aux frontières de l’Inde à l’est. Ces conquêtes ont souvent été marquées par des conversions forcées, l’imposition de la charia, et l’exigence de paiement de la jizya (taxe) pour les non-musulmans.
Ces dynasties justifiaient leurs conquêtes par le devoir de propager l’islam. Les califes utilisaient des érudits religieux pour légitimer leurs campagnes militaires, en se basant sur les textes coraniques et les enseignements de Mahomet. Les non-musulmans conquis étaient souvent soumis à la jizya, une taxe imposée aux dhimmis (non-musulmans vivant sous domination islamique), en échange de la protection de leurs vies et de leurs biens.
Conclusion : L’islam et le djihadisme, une relation complexe
Le djihad, dans ses multiples facettes, illustre l’interprétation complexe de l’effort et de la lutte en islam. De la lutte spirituelle à la guerre physique, ce concept a façonné la théologie islamique et a été un pilier central de l’expansion de la communauté musulmane à travers l’histoire.
Le djihadisme n’est pas une simple déformation de l’islam, mais s’enracine dans des interprétations traditionnelles et historiques des textes islamiques. Les djihadistes contemporains, comme ceux de Daech ou d’Al-Qaïda, justifient leurs actions en utilisant des versets coraniques et des hadiths qui, de leur point de vue, légitiment le recours à la violence. Bien que de nombreux musulmans modernes préfèrent interpréter l’islam comme une religion de paix, il est indéniable que des fondements scripturaires et historiques soutiennent le djihad guerrier.
Ainsi, l’argument selon lequel les djihadistes ne seraient pas de vrais musulmans ne résiste pas à une analyse des textes et de l’histoire de l’islam. Les djihadistes s’inscrivent dans une tradition plus ancienne de violence religieuse qui a toujours existé au sein de l’islam. Pour mieux comprendre et contrer le djihadisme, il est essentiel de reconnaître les racines religieuses de ce phénomène, et de discuter ouvertement de la manière dont l’islam peut être interprété de manière à promouvoir une paix durable, sans renier les éléments problématiques de ses textes fondateurs.
BONUS
Le djihad dans le contexte africain : Historique et conséquences
L’Afrique a connu plusieurs vagues de djihad depuis l’arrivée de l’islam au 7e siècle, avec des mouvements djihadistes influents qui ont façonné les paysages politiques, sociaux et culturels du continent. Ces mouvements, souvent justifiés par des interprétations islamiques du djihad, ont conduit à l’établissement de divers empires islamiques et à des transformations religieuses majeures.
Les premiers djihads en Afrique de l’Ouest : Expansion et islamisation
Le djihad en Afrique de l’Ouest a pris une forme distincte, visant autant la propagation de l’islam que la réforme des pratiques religieuses. À partir du 17e siècle, plusieurs leaders musulmans ont mené des campagnes djihadistes pour unifier les populations sous l’islam sunnite, en cherchant à éliminer les pratiques qu’ils considéraient comme non orthodoxes.
L’empire du Sokoto (1804-1808)
Un des djihads les plus célèbres fut celui mené par Usman dan Fodio au début du 19e siècle. Dan Fodio, un érudit musulman Fulani, a lancé un djihad contre le sultanat de Gobir, dans l’actuel Nigéria, afin de lutter contre ce qu’il percevait comme une déviance religieuse et de promouvoir une interprétation stricte de l’islam. En peu de temps, il réussit à renverser plusieurs royaumes haoussa et à fonder l’Empire du Sokoto, qui devint l’un des plus grands empires islamiques en Afrique de l’Ouest.
Les conséquences de cette campagne djihadiste furent profondes : des milliers de personnes furent converties, souvent de force, et de nombreuses structures sociales traditionnelles furent bouleversées. L’Empire du Sokoto est devenu un centre d’apprentissage islamique, influençant des régions vastes et intégrant des populations locales dans une administration théocratique fondée sur la charia.
L’empire Toucouleur et les djihads de El Hadj Oumar Tall
En 1852, El Hadj Oumar Tall, un autre érudit musulman et dirigeant de l’ordre soufi Tijaniyya, lança un djihad contre plusieurs royaumes païens et islamiques de l’actuel Mali, Guinée et Sénégal. En utilisant le djihad comme levier, Tall chercha à établir un empire islamique en Afrique de l’Ouest, allant jusqu’à défier des puissances musulmanes rivales telles que le Royaume du Macina.
Le djihad de Tall eut des conséquences désastreuses sur les régions conquises : les structures politiques et sociales locales furent démantelées, de nombreuses vies furent perdues, et les sociétés furent forcées d’accepter l’islam sunnite. Finalement, bien que Tall n’ait pas atteint tous ses objectifs, son mouvement contribua à une islamisation plus intense de l’Afrique de l’Ouest.
Les djihads en Afrique de l’Est et du Centre
En Afrique de l’Est, le djihad a aussi marqué les relations entre les communautés musulmanes et non musulmanes, notamment au Soudan. Muhammad Ahmad, qui se proclama Mahdi (le guide attendu) en 1881, mena une guerre sainte contre la domination égyptienne et britannique au Soudan, établissant un état théocratique islamique dans la région.
L’État mahdiste a rapidement instauré des règles strictes fondées sur la charia et chercha à islamiser de force les populations. Ces politiques entraînèrent des répressions violentes et de fortes tensions, et l’État ne subsista que jusqu’en 1899, lorsqu’il fut renversé par les forces britanniques.
Les conséquences des djihads historiques en Afrique
Les djihads menés en Afrique ont eu plusieurs impacts durables :
1. Islamisation des sociétés :
Ces djihads ont accéléré la conversion à l’islam dans de vastes régions de l’Afrique, en particulier en Afrique de l’Ouest et au Soudan. Ils ont imposé des formes d’islam souvent hostiles aux croyances traditionnelles africaines.
2. Transformation sociale et politique :
Les djihads ont souvent introduit de nouvelles structures de gouvernance basées sur la charia, supplantant des structures traditionnelles et bouleversant les hiérarchies sociales préexistantes.
3. Résistances et conflits :
Les populations locales ont souvent résisté aux tentatives d’islamisation forcée, ce qui a conduit à des conflits violents et à des ressentiments durables.
4. Héritage religieux et culturel :
Les djihads ont laissé un héritage de théocraties islamiques qui perdure aujourd’hui dans certaines régions. Les dynasties fondées par ces mouvements djihadistes continuent d’influencer la vie religieuse et culturelle de l’Afrique contemporaine.
Les djihadistes contemporains en Afrique : Contexte et motivations
Les groupes djihadistes actuels en Afrique, tels que Boko Haram au Nigéria, Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI), et Al-Shabaab en Somalie, se revendiquent de la même tradition de djihad historique et s’appuient sur des idéologies similaires pour justifier leurs actions.
Boko Haram et l’insurrection dans le bassin du lac Tchad
Boko Haram, créé en 2002 dans le nord du Nigéria, incarne l’un des groupes djihadistes les plus violents d’Afrique. Sous la direction de Mohammed Yusuf, puis de Abubakar Shekau, Boko Haram a lancé une campagne de terreur visant à établir un califat dans le bassin du lac Tchad et à imposer une interprétation rigide de la charia. Ils justifient leurs actions en dénonçant la corruption et le gouvernement “impie” du Nigéria.
Le groupe a utilisé des versets coraniques et des hadiths pour légitimer des attentats-suicides, des enlèvements massifs (notamment des écolières comme lors de l’enlèvement de Chibok en 2014), et des exécutions de civils. Boko Haram a également profité de l’instabilité régionale pour étendre ses opérations au Cameroun, au Tchad et au Niger, plongeant la région dans une crise humanitaire profonde.
Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) et le Sahel
AQMI est un autre groupe djihadiste opérant principalement dans la région du Sahel. Formé à l’origine comme une branche d’Al-Qaïda, AQMI s’est engagé dans des activités de trafic, d’enlèvements contre rançon, et d’attentats, justifiant ses actions en invoquant le djihad contre les gouvernements africains et les forces occidentales.
En 2012, AQMI a profité de la crise au Mali pour occuper plusieurs villes dans le nord du pays, imposant des règles strictes basées sur la charia et détruisant des sites historiques. Les actes d’AQMI reflètent une continuité avec les mouvements djihadistes passés, qui visaient à s’emparer de territoires pour établir des régimes islamiques, tout en répondant à des motivations contemporaines comme la lutte contre l’intervention étrangère.
Al-Shabaab et le conflit Somalien
Al-Shabaab, un groupe islamiste basé en Somalie, a déclaré son allégeance à Al-Qaïda et justifie ses attaques par le djihad contre les “envahisseurs étrangers” et le gouvernement somalien soutenu par l’ONU. Al-Shabaab a mené des attentats meurtriers, tels que l’attaque du centre commercial Westgate à Nairobi en 2013, tuant des civils pour faire avancer son agenda.
Le groupe s’appuie sur les versets de la sourate 9 et d’autres textes pour légitimer ses actions. Al-Shabaab impose la charia dans les régions sous son contrôle, interdisant les pratiques culturelles locales perçues comme contraires à l’islam, et infligeant des punitions sévères aux contrevenants.
Conséquences et perspectives du djihadisme contemporain en Afrique
Les mouvements djihadistes actuels en Afrique ont un impact dévastateur :
• Instabilité régionale :
Les conflits liés au djihadisme ont conduit à la déstabilisation de vastes zones, en particulier dans le Sahel et le bassin du lac Tchad, rendant les conditions de vie extrêmement précaires.
• Crise humanitaire :
Des millions de personnes ont été déplacées en raison des violences djihadistes, et des centaines de milliers ont perdu la vie. Les infrastructures locales sont souvent détruites, et les économies sont affaiblies.
• Développement économique entravé :
Les activités djihadistes, en ciblant des ressources et en créant un climat d’insécurité, freinent le développement économique des régions affectées.
• Répression culturelle et religieuse :
Les groupes djihadistes imposent des versions strictes de l’islam, anéantissant les cultures locales et interdisant toute pratique perçue comme “non islamique”.
SOURCES
- Introduction au Djihad dans l’Islam • Koran et Hadith : Pour les traductions et interprétations du Coran et des hadiths, consultez des versions reconnues telles que :
• The Quran traduit par M.A.S. Abdel Haleem (Oxford University Press)
• Sahih al-Bukhari et Sahih Muslim, disponibles sur des plateformes comme Sunnah.com pour les hadiths de référence.
• Livres sur l’idéologie du djihad :
• Cook, David. Understanding Jihad. University of California Press, 2005.
• Bonner, Michael. Jihad in Islamic History: Doctrines and Practice. Princeton University Press, 2006. - Le Djihad Spirituel et le Djihad Guerrier • Ouvrages sur les deux formes de Djihad :
• Peters, Rudolph. Jihad in Classical and Modern Islam: A Reader. Princeton University Press, 1996.
• Khadduri, Majid. War and Peace in the Law of Islam. Johns Hopkins University Press, 1955.
• Traductions et commentaires :
• Tafsir Ibn Kathir, en particulier pour les versets de la Sourate 9, qui est souvent citée dans le contexte du djihad. Disponible en ligne sur Quran.com. - Arguments Islamistes et Justifications Religieuses • Analyses de l’utilisation des textes religieux :
• Tibi, Bassam. Political Islam, World Politics and Europe: From Jihadist to Institutional Islamism. Routledge, 2012.
• Kepel, Gilles. Jihad: The Trail of Political Islam. Harvard University Press, 2002.
• Études de cas sur des groupes djihadistes :
• Hegghammer, Thomas. Jihad in Saudi Arabia: Violence and Pan-Islamism since 1979. Cambridge University Press, 2010. - Historique du Djihad en Afrique • Études sur les djihads africains historiques :
• Robinson, David. Muslim Societies in African History. Cambridge University Press, 2004.
• Last, Murray. The Sokoto Caliphate. Longman, 1967.
• Biographies et histoires de figures du djihad africain :
• Ba, Amadou Hampâté, et Daget, Jacques. L’Empire Peul du Macina. Karthala, 2003.
• Fisher, Humphrey J. Slavery and Muslim Society in Africa: The Institution in Saharan and Sudanic Africa and the Trans-Saharan Trade. C. Hurst & Co., 1971. - Conséquences des Djihads Historiques en Afrique • Livres sur l’impact culturel et social du djihad en Afrique :
• Hunwick, John O. Religion and National Integration in Africa: Islam, Christianity, and Politics in the Sudan and Nigeria. Northwestern University Press, 1992.
• Kaba, Lansiné. The Wahhabiyya: Islamic Reform and Politics in French West Africa. Michigan State University Press, 1974.
• Articles académiques :
• Articles disponibles sur JSTOR, tels que :
• “Jihad and State Formation in West Africa: The Case of the Sokoto Caliphate” de Nehemia Levtzion. - Les Djihadistes Contemporains en Afrique • Rapports d’analyses sur les groupes djihadistes africains :
• International Crisis Group (ICG), divers rapports sur Boko Haram, AQMI, et Al-Shabaab.
• The Africa Center for Strategic Studies offre des analyses et des rapports actualisés sur les groupes islamistes actifs en Afrique.
• Ouvrages et articles sur les motivations contemporaines :
• Thurston, Alexander. Boko Haram: The History of an African Jihadist Movement. Princeton University Press, 2018.
• Hansen, Stig Jarle. Al-Shabaab in Somalia: The History and Ideology of a Militant Islamist Group, 2005-2012. Oxford University Press, 2013. - Impact et Perspectives du Djihadisme en Afrique • Publications sur l’impact socio-économique et sécuritaire :
• L’Institute for Security Studies (ISS Africa) produit des rapports détaillés sur les impacts du djihadisme en Afrique.
• The Oxford Handbook of Africa and Economics, en particulier les chapitres sur le développement dans les régions affectées par les conflits.
• Études sur les réponses internationales :
• Dowd, Caitriona. “Grievances, Governance and Islamist Violence in Sub-Saharan Africa.” Journal of Modern African Studies, 2015.
BONUS 2
Analyse économique des guerres de Mahomet : L’appât du gain et la consolidation d’une économie de guerre
Les guerres menées par le prophète Mahomet au début de l’Islam, souvent justifiées par des considérations religieuses ou politiques, ont également eu des motivations économiques sous-jacentes. L’argument ici est que l’appât du gain, la redistribution inégalitaire des richesses, et la consolidation d’un pouvoir central basé sur les richesses acquises par les pillages et les taxes, ont joué un rôle fondamental dans l’établissement et l’expansion de la communauté islamique. Ces dynamiques économiques, selon cette perspective, ont formé la base d’une “mafia” islamique naissante, où la fidélité des nouveaux convertis était renforcée par les promesses de butins et de richesses.
Le pillage des caravanes : Une stratégie de survie économique
Lorsque Mahomet et ses partisans se sont établis à Médine après leur exil de La Mecque (l’Hégire en 622), leur communauté était économiquement vulnérable. Pour subvenir à leurs besoins, les premiers musulmans ont pris part à des razzias (raids) contre les caravanes commerciales qui traversaient la région, notamment celles appartenant aux Quraychites, une puissante tribu mecquoise. Ces attaques visaient à déstabiliser économiquement les ennemis de Mahomet tout en renforçant la position économique des musulmans.
La bataille de Badr (624), une des premières grandes victoires militaires des musulmans, est souvent décrite comme un tournant majeur dans l’expansion de l’islam, mais elle fut également un succès économique. Les caravanes pillées étaient chargées de marchandises de grande valeur : or, argent, textiles, armes, et autres biens précieux. Les richesses accumulées grâce à ces raids servaient non seulement à financer les campagnes militaires, mais aussi à attirer de nouveaux fidèles, séduits par les promesses de partage des butins.
• Référence coranique : Sourate 8:41 (Al-Anfal), “Sachez que, de tout butin que vous avez ramassé, le cinquième revient à Allah, à son Messager, à ses proches, aux orphelins, aux pauvres et aux voyageurs.”
Dans ce verset, la loi de répartition des butins est clairement établie, avec Mahomet recevant une portion importante pour lui-même et pour des causes charitables, tout en consolidant son autorité en tant que chef politique et spirituel.
Le pillage des tribus juives : Redistribution des terres et des biens
L’une des stratégies économiques les plus frappantes de Mahomet était le traitement des tribus juives de Médine, telles que les Banu Qaynuqa, Banu Nadir et Banu Qurayza. Ces tribus, initialement alliées à Mahomet, ont été accusées de trahison lors des conflits avec les Quraychites et d’autres tribus. Leur défaite a conduit à leur exil, leur extermination ou à la confiscation de leurs terres et de leurs biens.
• Référence coranique : Sourate 59:2 (Al-Hashr), “C’est Lui qui a fait sortir de leurs demeures, au premier exil, ceux des gens du Livre qui avaient mécru. Vous ne pensiez pas qu’ils sortiraient, et ils pensaient que leurs forteresses les protégeraient d’Allah. Mais Allah est venu à eux par où ils ne s’attendaient point, et a jeté l’effroi dans leurs cœurs; ils démolirent leurs maisons de leurs propres mains ainsi que de celles des croyants. Tirez-en donc une leçon, ô vous qui êtes doués de clairvoyance.”
Dans le cas des Banu Nadir, leur expulsion permit aux musulmans de s’emparer de terres agricoles fertiles autour de Médine. Ces terres furent redistribuées à Mahomet et à ses compagnons, assurant ainsi des ressources alimentaires et des richesses pour la communauté musulmane. Ce modèle de redistribution favorisa la fidélisation des nouveaux convertis, qui étaient incités à rejoindre la cause de Mahomet en espérant bénéficier des butins et des terres confisquées aux ennemis de l’islam.
Le traitement des Banu Qurayza fut encore plus radical, avec l’exécution de leurs hommes et l’appropriation de leurs biens. Les femmes et les enfants furent vendus comme esclaves, générant des revenus supplémentaires pour la communauté musulmane.
La fidélisation des nouveaux croyants : Le butin comme outil d’allégeance
L’appât du gain matériel était un facteur déterminant dans l’attraction de nouveaux croyants et la consolidation de la foi des convertis récents. Les nouveaux musulmans, particulièrement ceux venant de tribus nomades ou de milieux modestes, voyaient dans les campagnes militaires une opportunité d’améliorer leur sort économique. Le partage des richesses issues des pillages était donc un outil essentiel pour maintenir la cohésion du groupe et la loyauté envers Mahomet.
Dans certains hadiths, on observe clairement que Mahomet utilisait les butins comme moyen de renforcer les alliances avec des tribus récemment converties, leur octroyant des parts généreuses des butins pour s’assurer de leur fidélité :
• Hadith : Sahih al-Bukhari (Volume 4, Livre 53, Hadith 375) – Lors de la bataille de Hunayn, certains des nouveaux convertis reçurent des parts plus importantes du butin, ce qui provoqua une certaine jalousie chez les anciens compagnons de Mahomet. Quand interrogé à ce sujet, Mahomet expliqua que cette répartition était faite pour renforcer la foi des nouveaux convertis.
Les taxes spécifiques : Le zakât et le jizya comme instruments économiques
Outre les gains directs des pillages et des guerres, Mahomet mit en place un système de taxes pour assurer un flux constant de ressources dans la trésorerie islamique. Deux taxes spécifiques se démarquent dans ce contexte : le zakât et la jizya.
• Le zakât, une aumône obligatoire pour les musulmans, servait à redistribuer les richesses au sein de la communauté islamique. Il s’agissait d’un moyen de soutenir les pauvres, mais aussi de renforcer l’économie de guerre en finançant les campagnes militaires et en soutenant les familles des combattants.
• La jizya, une taxe imposée aux non-musulmans (particulièrement les chrétiens et les juifs) vivant sous la domination islamique, fut un autre moyen pour Mahomet d’assurer des revenus stables pour l’État islamique. Les communautés non-musulmanes étaient protégées, mais en échange, elles devaient payer cette taxe, ce qui créait un système où les non-musulmans contribuaient à l’effort de guerre musulman sans en partager les bénéfices matériels.
• Référence coranique : Sourate 9:29, “Combattez ceux qui ne croient ni en Allah ni au Jour dernier, qui ne déclarent pas illicite ce qu’Allah et Son Messager ont déclaré illicite et qui ne pratiquent pas la religion de la vérité, parmi ceux qui ont reçu le Livre, jusqu’à ce qu’ils versent la capitation de leurs propres mains, après s’être humiliés.”
Cette taxe, en plus de ses implications économiques, avait également une dimension symbolique : elle soulignait la domination islamique et la soumission des communautés non-musulmanes.
Conclusion
L’analyse des guerres de Mahomet met en lumière un aspect souvent sous-estimé : l’importance des facteurs économiques dans la consolidation de la communauté islamique. Les butins de guerre, les taxes imposées aux non-musulmans, et la redistribution des richesses servaient à renforcer la position de Mahomet en tant que chef, tout en garantissant l’allégeance des nouveaux convertis et en consolidant le pouvoir naissant de l’islam.
Les guerres n’étaient pas seulement des conflits religieux ou politiques, mais elles représentaient aussi des opportunités économiques stratégiques pour une communauté qui, à ses débuts, était économiquement fragile. Ce modèle d’expansion par la guerre et l’économie a permis à l’islam de s’imposer rapidement dans la péninsule arabique, tout en créant une dynamique où le pouvoir spirituel et matériel étaient inextricablement liés.
Références
1. Le pillage des caravanes :
• Référence coranique : Sourate 8:41 – “Sachez que de tout butin que vous avez pris, le cinquième revient à Allah, au Messager, à ses proches parents, aux orphelins, aux pauvres et aux voyageurs.”
• Hadiths : Sahih al-Bukhari 3124, Sahih Muslim 1763a, décrivant comment Mahomet a mené ou ordonné des attaques sur des caravanes quraychites en quête de butin.
2. Le pillage des tribus juives :
• Référence coranique : Sourate 33:26-27 – “Et Il fit descendre de leurs forteresses ceux des gens du Livre qui les avaient soutenus et jeta l’effroi dans leurs cœurs. Un groupe d’entre eux, vous les tuiez, et un groupe vous les faisiez prisonniers. Et Il vous fit hériter leur terre, leurs demeures, leurs biens, ainsi qu’une terre que vous n’aviez point foulée.”
• Hadiths : Sahih Muslim 1765b, concernant la bataille contre les Banu Qurayza et la confiscation de leurs biens.
3. Fidélisation des nouveaux croyants :
• Référence coranique : Sourate 9:60 – “Les aumônes ne sont destinées que pour les pauvres, les indigents, ceux qui y travaillent, ceux dont les cœurs sont à gagner, l’affranchissement des jougs, ceux qui sont lourdement endettés, dans le sentier d’Allah, et pour le voyageur en détresse.”
• Hadith : Sahih al-Bukhari 3168, décrivant comment Mahomet donnait des parts de butin pour fidéliser les nouvelles tribus converties.
4. Taxes spécifiques (la jizya) :
• Référence coranique : Sourate 9:29 – “Combattez ceux qui ne croient ni en Allah ni au Jour dernier, qui n’interdisent pas ce qu’Allah et Son Messager ont interdit et qui ne pratiquent pas la religion de la vérité, parmi ceux qui ont reçu le Livre, jusqu’à ce qu’ils versent la capitation (jizya) par leurs propres mains, en toute humilité.”
• Hadith : Sunan Abi Dawud 3025, expliquant la mise en place de la jizya pour les non-musulmans vivant sous le règne islamique.
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