Féminismes du Sud : Déconstruire le féminisme occidental classique
Le féminisme est un mouvement mondial qui lutte pour l’égalité des sexes et la reconnaissance des droits des femmes. Cependant, le féminisme occidental classique a souvent été critiqué pour son manque de prise en compte des réalités spécifiques des femmes du Sud, y compris les anciennes colonies, les pays en voie de développement et les communautés marginalisées. Dans cet article, nous allons explorer les revendications plus générales des féminismes du Sud, en mettant ensuite l’accent sur les réalités des femmes africaines du Nord au Sud du continent et de la diaspora. Nous examinerons les critiques formulées à l’encontre du féminisme occidental classique et mettrons en évidence les problématiques spécifiques aux féminismes du Sud, en accordant une attention particulière aux réalités africaines.
Les revendications des féminismes du Sud
Les féminismes du Sud ont émergé pour remettre en question le féminisme occidental classique qui néglige souvent les expériences et les luttes des femmes des pays du Sud. Ces mouvements féministes appellent à une prise en compte des réalités locales, en mettant l’accent sur des problématiques telles que la décolonisation, la justice économique, la souveraineté corporelle, la diversité culturelle et la reconnaissance des savoirs ancestraux. Les féminismes du Sud remettent en question l’universalisme du féminisme occidental et mettent en avant des perspectives intersectionnelles pour comprendre les dynamiques complexes de genre, de “race”, de classe sociale et de sexualité.
Critiques du féminisme occidental classique
Le féminisme occidental classique a souvent été critiqué pour son manque de sensibilité aux réalités des femmes du Sud. En se concentrant principalement sur les luttes des femmes occidentales, il a tendance à ne pas prendre en compte certains aspects des réalités que les femmes subissent de par le monde et à reproduire des schémas de domination et de marginalisation. Le féminisme occidental classique a également été accusé d’imposer des normes et des modèles occidentaux de féminisme, ignorant donc, les contextes culturels et sociaux spécifiques des femmes du Sud.
Les réalités africaines dans les féminismes du Sud
En se concentrant sur les réalités africaines, les féminismes du Sud en Afrique remettent en question les structures patriarcales et coloniales (issus des colonisations orientales et occidentales) qui continuent d’opprimer les femmes. Ils abordent des problématiques telles que l’accès à l’éducation, les droits reproductifs, la violence sexuelle, les mariages forcés, l’héritage, l’excision, l’accès aux services de santé, l’entrepreunariat féminin, la pauvreté ou encore la discrimination raciale pour ne citer que celles ci. Les féminismes africains du Sud s’efforcent de donner la parole aux femmes africaines et de valoriser les connaissances et les traditions africaines dans les luttes pour l’égalité des sexes.
Les matriarcats africains : Ressources de pouvoir féminin
L’Afrique est le berceau de nombreux systèmes sociaux et politiques basés sur le matriarcat, où les femmes occupent des rôles de leadership et de pouvoir. Ces matriarcats africains remettent en question la notion patriarcale de pouvoir et de gouvernance, et mettent en évidence la capacité des femmes à assumer des responsabilités politiques, économiques et spirituelles. Les exemples historiques et contemporains de matriarcats africains, tels que les sociétés Akan au Ghana, mettent en lumière la force et la sagesse des femmes en tant que détentrices de la vie et gardiennes des traditions et des connaissances.
La place de la femme dans la pensée kémite : Réaffirmation des connaissances ancestrales
La pensée kémite, qui englobe les traditions et les systèmes de croyances de l’Égypte ancienne (Kemet) et de l’Afrique contemporaine, offre une vision alternative de la place des femmes dans la société. Les connaissances ancestrales kémite accordent une grande importance à l’équilibre entre les principes féminins et masculins, reconnaissant la force et la sagesse des femmes en tant que détentrices de la vie et gardiennes de la connaissance spirituelle. Les enseignements kémite soulignent l’importance de la déesse et de la prêtresse, et mettent en avant l’autonomie et la dignité des femmes dans la société.
Les défis des religions abrahamiques : Repenser la place de la femme
Les religions abrahamiques, telles que le christianisme, l’islam et le judaïsme, ont souvent imposé des normes et des rôles de genre restrictifs aux femmes. Les interprétations traditionnelles et patriarcales de ces religions ont marginalisé les femmes et limité leur accès au pouvoir et à la prise de décision. Les féminismes africains du Sud se confrontent à ces défis en remettant en question les interprétations patriarcales et en cherchant à réinterpréter les textes religieux d’une manière qui promeut l’égalité des sexes et la dignité des femmes. Ils mettent également en avant les aspects inclusifs et émancipateurs de la spiritualité africaine traditionnelle, qui reconnaît la valeur et l’autonomie des femmes.
La place de la femme dans les traditions africaines : Reconnaître la diversité et l’autonomie
Les traditions africaines précoloniales ont souvent accordé une place significative aux femmes, reconnaissant leur rôle central dans la communauté, la famille et la spiritualité. Les femmes africaines étaient traditionnellement consultées pour leur sagesse et leur expertise dans de nombreux domaines, et elles jouaient un rôle actif dans la prise de décision. Les féminismes africains du Sud mettent en valeur ces traditions et cherchent à préserver et revitaliser les connaissances et les pratiques qui reconnaissent l’autonomie et l’importance des femmes dans la société africaine. Ils remettent en question les influences coloniales et les normes patriarcales imposées, et cherchent à réaffirmer les voix et les pouvoirs
Les obstacles et défis pour les femmes africaines
Les femmes africaines font face à de nombreux obstacles et défis dans leur lutte pour l’égalité des sexes. Parmi ces obstacles, on peut citer la violence basée sur le genre, y compris les mariages forcés, les mutilations génitales féminines et les violences sexuelles. Les femmes africaines sont également confrontées à des inégalités économiques, avec un accès limité aux ressources, aux opportunités d’emploi et à la propriété foncière. Les normes culturelles et sociales restrictives continuent d’imposer des rôles de genre stéréotypés et de limiter les aspirations et les ambitions des femmes. De plus, les femmes africaines sont souvent sous-représentées dans les sphères de décision politique et sont confrontées à des obstacles dans leur participation active à la vie politique et publique.
Pour relever ces défis, les féminismes du Sud en Afrique cherchent à renforcer les droits et l’autonomie des femmes, à éliminer les violences basées sur le genre, à promouvoir l’éducation et l’autonomisation économique des femmes, et à favoriser la participation des femmes dans la prise de décision politique et la construction des politiques publiques. Ils s’appuient sur les connaissances et les expériences des femmes africaines pour élaborer des solutions adaptées et durables qui répondent aux besoins spécifiques des femmes dans leurs contextes sociaux et culturels.
Conclusion
Le féminisme africain du Sud, en intégrant les réalités des femmes africaines du Nord au Sud et de la diaspora, propose une approche critique et contextualisée de la lutte pour l’égalité des sexes. En remettant en question le féminisme occidental classique et en mettant en avant les revendications spécifiques des féminismes du Sud, il vise à reconnaître la diversité des expériences féminines et à lutter contre les multiples formes d’oppression et d’inégalité auxquelles les femmes africaines sont confrontées. À travers la valorisation des matriarcats africains, la réaffirmation des connaissances ancestrales, la remise en question des religions abrahamiques et la reconnaissance des traditions africaines, le féminisme africain du Sud ouvre la voie à une transformation sociale inclusive, émancipatrice et respectueuse des droits des femmes.
Jelpi
SOURCES
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